Jean-Max Pruvost

L’écriture d’une Vie…

Toulon, Var, France

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Jean-Max Pruvost

Jean-Max Pruvost

 

 

Portrait

Jean-Max Pruvost est né le 20/07/1946 à La Courneuve, dans le 93.

Vétérinaire rural à Rexpoëde, à proximité de deux villes flamandes, Bergues et Honschoote, arrondissement de Dunkerque, de 1972 à 1989.
Bref passage en région parisienne (secteur Mantes la Jolie – Meulan) sur la rive droite de la Seine de 1989 à fin 1991. Puis vétérinaire dans le dispensaire de la Fondation Assistance aux Animaux à Toulon (1992 – 2005), et vétérinaire petits animaux (chiens et chats) de fin 2005 à juillet 2016, spécialité rare en Acupuncture et Homéopathie.

Membre de la chorale du Pincerais de 1989 à 1991 : à leur actif, le Requiem de Fauré, le cantique de Jean Racine, des musiques de Gluck d’avant la révolution, deux  messes de Mozart.

 

Le voleur d’orgues

Les sources de mon inspiration ou comment ce livre est né ?

 Mon parrain Paul :

Rescapé du camp de concentration de Buchenwald, il ne parlait jamais de cette douloureuse expérience de sa vie qui l’avait marqué dans sa chair et son âme. Je compris pourquoi, bien des années plus tard, les raisons de son silence. A la fin de la guerre, informer ses concitoyens sur le sort terrible que des humains avaient osé réserver à d’autres, était parfaitement inconcevable, tant il était inimaginable. Il me dit un jour, je devais avoir 14 ans : « la vie, je la dois aux allemands » .Très étonné, je ne pus m’empêcher d’ajouter : « ce sont bien les allemands qui t’ont envoyé en camp » . Il me répondit ce qui fut à l’origine de toutes mes recherches : « non, ce sont les nazis qui l’ont fait. Les vrais allemands m’ont aidé à survivre. Au péril de leur vie, ils me faisaient parvenir un quignon de pain, une pomme… » Il était excellent mécanicien ce qui lui valut d’échapper aux hordes de travailleurs asservis, affamés et épuisés, extrayaient des pierres des carrières avec des moyens rudimentaires sous les insultes et le choix arbitraires des armes.

Mes études germanistes et la naissance d’un questionnement :

Quand je rentrais en 6ème au Lycée Hoche à Versailles, mes parents furent incités à m’inscrire en allemand première langue. C’était la grande période du rapprochement franco-allemand où l’Europe serait, du moins le croyait-on fermement, dirigée par le tandem franco-allemand.

Je découvris l’Allemagne dès la 4 ème, lors d’un jumelage entre la ville universitaire de Giessen et Versailles. Ce n’était pas chose facile, même si aujourd’hui cela peut paraître ridicule. Les déjeuners en famille étaient baignés de récits de la grande guerre. Mon grand-père que j’estime au plus haut point avait annoncé la couleur :  « un allemand chez moi, jamais ! » Ce jamais quand il connut Roland, mon correspondant, se mua en un accueil franchement cordial. Ma famille allemande,je la qualifie ainsi, car notre relation d’amour dure depuis  plus de 60 ans, s’ingénia à tout prix, à me faire aimer leur pays.

Je découvris le Moyen-âge avec la ville de Marburg qui tient une grande place dans mon livre, la mythologie germanique qui sourd de tous ces villages du bord du Rhin. Je faisais de grandes marches en forêt où l’on croisait daims et chevreuils, et grâce à un séjour merveilleux chez un oncle, garde forestier du Comte Faber-Castel je fus initié au respect et à la préservation de la faune sauvage. Le profond attachement des allemands pour cette mère Nature, indissociable de l’évolution humaine n’était plus à démontrer. A Meudon où j’habitais, le bois servait à mon grand dam de dépotoir qui l’enlaidissait..

Je découvris la convivialité allemande qui ne se réduit pas au partage de votre vie après moult litres de bière et des « Prosit »(  à votre santé !) à n’en plus finir, une culture de l’’amitié et du respect de l’autre qui n’étaient pas de vains mots.

Tout cela j’aimais !

Je découvris, au Lycée, la littérature allemande, la musique de  Bach qui éveilla en moi tout un flot d’harmonies en accord avec mes états d’âme, un ressenti qui perdure aujourd’hui. Plus tard ce fut Mozart qui admirablement transcrit les passions humaines, mais sait aussi communier avec les étoiles dans son admirable Requiem. Plus tardivement ce fut les philosophes allemands, Goethe et son  « Faust » que j’aime beaucoup. Et ce furent les « lettres des soldats allemands dans l’enfer de Stalingrad » tellement incroyables de souffrances, de solitude, de questionnements vis à vis de Dieu que je dus traduire en classe préparatoire.

Et là, ce fut pour moi le déclic.

Comment les allemands avaient-ils pu céder à une telle barbarie ?Quels étaient ces opposants au nazisme dont on parle si peu ? Mon parrain semble les évoquer, mais il ne citera jamais leur nom, comme si un pacte de silence avait été scellé entre eux. Un ami écrivain, dont la famille a beaucoup souffert de la guerre au point qu’il lui est pénible d’entendre cette langue, eut cette remarque acerbe : « Ils n’étaient que 500.000 opposants à avoir souffert dans les camps sur une population de près de 80 millions d’habitants ! ».

Mais combien de braves gens indignés par le sort des prisonniers, par la souffrance des soldats en Russie par l’acharnement criminel de leur Führer ? Il suffit de lire le livre « seuls dans Berlin » de Hans Falada, « la Rose blanche » où est évoqué le martyre de jeunes étudiants, Anne-Sophie Scholl, âgée de 20 ans et ses amis. Ils furent exécutés à la hache pour avoir simplement écrit des tracts. Il fallait une grande dose d’héroïsme pour se battre contre un régime qui avait tout verrouillé, sauf, je crois,  la conscience de certains qui ne pouvaient se résoudre à l’inaction face à l’horreur.

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Mes aides à la création ou les points d’appui de mon récit

 Un soldat allemand qui avait refusé de rentrer en Allemagne à la fin de la guerre :

Vétérinaire rural dans les Flandres, j’avais un client dont l’ouvrier, un pauvre malheureux aviné, ancien soldat de la Wehrmacht, avait refusé de retourner dans son pays.

Je lui inventais une vie très riche

 Les orgues de  l’église de West-cappel dont les tuyaux avaient  mystérieusement disparu :

Personne ne savait ce qu’il était advenu des tuyaux d’orgues de l’église jusqu’au jour où un jeune professeur du conservatoire de Lille, Philippe Lefebvre, devenu organiste de Notre-Dame de Paris, fut chargé d’un inventaire des orgues de Flandres en 1975. Il me raconta l’histoire de sa découverte avecverve et truculence, faisant montre d’une passion pas encore éteinte. Avec Monsieur le curé et l’aide de sa bonne, ils trouvèrent dans une remise fermée à clé, grâce à l’avant-dernière clé d’un volumineux trousseau,  tous les tuyaux, empilés là depuis des lustres, mais dont on avait oublié toute trace. L’orgue Van Beele, datait de 1634. Il permettait de jouer de la musique espagnole, et curieusement pas celle de Bach pour des raisons de réforme de la musique d’orgue, initiée postérieurement par le grand Maître (selon  Sylvie Gakière, la titulaire d’aujourd’hui). L’année  de l’orgue tombait à pile et un concert inaugural eut lieu en 1985, dont le soliste n’était pas moins que le célèbre Gustav Leonhardt.

L’orgue tient une place centrale. Dans mon récit, il fut démonté pour échapper à la fonte des tuyaux de plomb.Mais en fait, dans la véritable histoire, il le fut pour restauration.

Mon installation dans ce petit-coin des Flandres, appelé le West-Hoeck et ma découverte d’une région particulariste, riche de traditions, aux  moulins de bois, très anciens.

Un de mes clients, dans le village d’Houtkerque, André Accou, un solide meunier, plein de dynamisme possédait un moulin des plus anciens, puisque datant des années 1100 qui avait déjà subi bon nombre de restaurations. Il me fit les honneurs de son moulin. Il grimpait l’échelle de meunier avec une agilité incroyable pour ses quatre-vingt ans. Je fus complétement sous le charme de cette merveille d’ingéniosité humaine. Il vibrait, craquait de partout. Je me suis dit que l’on devait être bien, là, à méditer à quelques pieds au-dessus du reste du monde, à observer le ciel, la nuit…Quelques années plus tard je tombais sur le livre de Jean Bruggman, « nos moulins ». Ce fut pour moi une révélation.je suis resté près de vingt ans dans cette région et ma passion pour les moulins, ces chefs d’œuvre d’inventivité.ne s’est jamais démentie.

Les moulins sont aussi pour moi sources d’inspiration poétique. Quand les ailes se détachent sur fond de pleine lune, c’est un peu angoissant comme d’ailleurs les houblonnières dont les grands piquets inclinés émergent de la brume, mais c’est aussi un ressenti fabuleux.

Il n’était pas étonnant que j’attribue à l’un de mes personnages principaux, Albert Verbrugghe, les qualités du meunier.

Ceux que j’ai connus et aimés

 Berthe et Léon, alias Mathilde et Albert, un couple atypique

 On ne pouvait imaginer deux physiques et personnalités aussi dissemblables. Elle, à peine 1m 60  et lui un colosse de près d’1m90. Elle, fluette, d’aspect revêche, dotée cependant d’une grande sensibilité et lui débordant de bienveillance. Elle,d’une vive intelligence, non conformiste, était professeur de couture dans un lycée professionnel parisien, ce qui me valut des souvenirs marquants que j’évoque dans mon livre et lui, ancien préparateur à l’école des Mines était boulimique de connaissances qu’il aimait faire partager. Il était excellent jardinier.

Ces deux personnes que j’ai beaucoup aimées, mes grands-parents de cœur, devenaient sans conteste le couple, Mathilde et Albert, aux grandes qualités.

Mes clients m’ont donné tant d’informations sur ce  qui avait eu lieu en Mai 1940

Il y avait à West-cappel un cantonnement de soldats écossais qui se sont sévèrement battus pour freiner l’offensive allemande. L’événement atroce que je décris de la grenade incendiaire qui a carbonisé les malheureux blessés, entassés dans une voiture, a réellement existé. Aucune maison n’a jamais été reconstruite à cet endroit. J’avoue que lorsque je passais par là en voiture, j’éprouvais encore des frissons d’horreur. L’épisode des blessés allemand recueillis dans une ferme, également.

J’ai beaucoup appris sur leur région auprès d’eux. Je remercie Marie-Jeanne, une de mes clientes, devenue une amie que je qualifie de « mon professeur de culture flamande ». J’ai connu grâce à elle les traditions de ce  West-Hoeckqu’elle m’a fait aimer passionnément.

Je me suis installé en 1972, une période charnière, où  l’agriculture dite industrielle commençait à se développer, mais où les structures du monde paysan d’avant étaient encore très vivaces. J’ai pu connaître ces lourdes juments Trait du Nord labourant les terres argileuses, les castrations de poulains, une rude affaire, où les voisins s’entraidaient, des vêlages parfois dans les conditions les plus invraisemblables.Tout ce que j’évoque est donc du vécu.

La violoncelliste d’Auschwitz et sa sœur Renate

 J’ai très jeune découvert et aimé le violoncelle, dont le son est le plus proche de la voix humaine.Il a dans les cantates de Bach un rôle de soliste,  dialoguant  avec une alto ou une soprane et cela m’a toujours émerveillé. Au cours de mes recherches, j’ai lu le livre d’Anita Lasker-Wallfisch, la violoncelliste d’Auschwitz, « la vérité en héritage ». Je fus d’abord sidéré.Quel paradoxe ! Comment pouvait-il exister un orchestre classique dans un tel lieu ? La musique était même indispensable à tous ces bourreaux qui voyaient en elle une justification d’humanité. J’ai eu la chance de connaître la sœur d’Anita, Renate qui vivait à la Croix-Valmer, sur la côte varoise et qui avait tant souffert dans l’enfer des camps, Auschwitz puis  le terrible Bergen-Belsen où régnaient le choléra et la famine. J’ai beaucoup aimé cette personne avec laquelle j’ai eu des échanges passionnants. .Quoi que malade elle prenait son bâton de pèlerin pour rencontrer les lycéens et leur transmettre ce message : « ne jamais oublier »

J’ai construit ainsi le personnage de Martha, le grand amour de Peter, le héros de mon histoire.

 Tous les éléments se mettaient en place dans le fil du récit.

Jean-Max Pruvost

 

Ce qui m’inspire…